Il dit se nommer Adam, cependant, un simple prénom se montra difficile à porter. Né assigné au mauvais genre, il a perdu sa personnalité pétillante d'enfant et d'adolescent suite aux répercussions de sa transition. Néanmoins, il ne regrettait rien, car plus le temps passait, plus il se rapprochait enfin de l'homme qu'il avait toujours été. Et son prénom, Adam, ne lui est pas encore accordé de façon officielle. Mais c'est bien ainsi qu'il se prénomme, Adam Durand. Adam n'avait jamais tenu à informer qui que ce soit quant à sa transidentité, tout simplement, parce qu'il estimait que cela ne regardait que lui. Les personnes cisgenres, à l'aise avec le genre qui leur avait été attribué dès la naissance n'avaient après tout, jamais eu à prévenir quiconque de ce qu'il se trouvait entre leurs jambes. Il estimait avoir encore droit à garder le silence, et ainsi, à ne pas être dans l'obligation de révéler son identité de genre à tout bout de champ. Connaissant notamment des difficultés pour trouver un emploi stable dans lequel il aurait pu s'épanouir, Adam mit de côté sa volonté de débuter des études pour devenir vétérinaire, afin de pouvoir être employé par le seul individu qui se fichait complétement de sa vie et de ses antécédents du moment qu'il apprenait vite. C'est ainsi qu'il devenint garagiste et, contre toute attente, ami avec son employeur, Claude ainsi qu'avec la quasi totalité de sa petite famille. Au fil des années, Adam s'était même mis à les considérer comme étant sa seconde famille, celle avec qui il aurait aimé être dès le commencement de son existence. Dès l'enfance, Adam s'était révélé être un grand amoureux des animaux, selon lui ces êtres méritaient bien plus d'estime que les humains qu'il s'était mis à considérer comme étant de véritable monstres. Et, suite à cette réflexion, Adam avait fait le choix de ne plus consommer aucun aliment provenant ou issu d'animaux. Enfin, ayant longtemps été victime de dysphorie -phénomène qui perdurait encore selon la partie de son corps ou de son visage-, Adam débuta la boxe, ainsi il pu construire son corps actuel, lutter contre la prise de poids qu'engendrait sa consommation excessive d'alcool, et de quoi défouler la haine et la rage qu'il refoulait constamment au fond de lui. En effet, Adam n'était pas une personne très expressive, au contraire, il gardait généralement tout pour lui, et, parfois, à tord. Il était pourtant conscient qu'il ne s'agissait pas de la meilleure chose à faire, pour autant, il avait tellement de difficulté avec les relations humaines qu'il ressentait qu'il n'avait, en réalité, simplement personne avec qui il se sentait libre de se confier. De nature curieux, Adam se révéla être très cultivé. Enfin, après une enfance et adolescence particulières, ce fut à 28 ans qu'Adam pouvait se dire être très engagé, notamment pour la cause animale à sa manière car il préférait se terrer dans sa discrétion. Il n'était pas engagé dans d'autres luttes, à vrai dire, Adam ne voyait pas comment l'être. En ce qui concernait la cause animale, tout était bien plus facile de son côté. En ce qui concernait toutefois les droits humains, il fallait admettre qu'Adam n'était pas friand de rassemblements ou de manifestations. Cela engendrait bien trop d'angoisse chez lui. Il n'aimait pas êtree trop entouré de monde, il se sentait oppressé et avait en permancence cette impression qu'on le dévisageait négativement.
Adam n'était pas ce qu'il y avait de plus optimiste. A vrai dire, il était, au contraire tiré en permanence vers le négatif, d'un côté par ses biais cognitifs en faveur du pessimisme, d'un autre, par les conséquences de l'alcoolisme. Cela faisait de nombreuses années qu'Adam oubliait grâce aux effets de l'alcool. Il n'en était pas conscient. Il n'acceptait pas d'être atteint par cette maladie qu'était l'alcoolisme. Après tout, que connaissait-il réellement de l'alcoolisme ? Adam n'avait eu en tête que cette image péjorative que l'on faisait généralement des personnes concernées par l'alcoolisme. Il ne se rendait même pas compte du fait que son corps avait développé, avec le temps, le besoin de consommer, mais également le phénomène de tolérance. Il s'agissait, du fait de l'habituation du corps à la substance, de devoir consommer davantage afin de ressentir les effets souhaités. Seule une addiction était effectivement acceptée par Adam, probablement car elle était également acceptée socialement, et il s'agissait de la nicotine. L'alcool demeurait toutefois, de toute évidence, un sujet tabou dans la société, ou plus précisément, l'alcoolisme constituait un sujet tabou, car la consommation d'alcool était elle, belle et bien banalisée. Adam était également un homme particulièrement dur avec lui-même. Il tolérait difficilement ses propres erreurs, ses défauts, et se sentait souvent embarrassé par sa propre personne. Il faisait pourtant en permanence de son mieux. Il l'avait toujours fait. Il avait toujours tenté de ne pas se laisser abattre, de ne pas s'abandonner lui-même. Et il avait été tenté de nombreuses fois. Dès son adolescence à vrai dire. Il n'avait pas tout de suite accepté la personne qu'il était véritablement. Et, dans le contexte particulier dans lequel il avait grandi, cela n'était finalement pas bien étonnant. Des parents issus d'un milieu sectaire, des croyances particulières et excessives, des troubles psychopathologiques non diagnostiqué, ni pris en charge. Adam avait subi de nombreux traumatismes qu'il avait oublié à travers ce que l'on appelait "amnésie traumatique". Aussi, Adam avait fini par oublier d'autres détails de sa vie et ces oublis-ci étaient causés par sa consommation excessive d'alcool, mais également par des périodes de dépressions. La vie d'Adam n'avait pas toujours été facile, elle avait même bien souvent été synonyme pour lui de souffrance, de honte, et de haine envers lui-même, envers le Monde entier. Toutefois, il ne pouvait pas enlever tous les petits moments emplis de joie qu'il avait pu vivre, ou encore les personnes qui l'avaient aidé à mieux respirer. Alors Adam était reconnaissant malgré tout. Alors, Adam redoublait d'effort pour ne pas se laisser tomber à nouveau, pour ne plus jamais se perdre lui-même. Ce n'était pas ce qu'il y avait de plus évident à réaliser pour Adam. Mais il devait, il voulait tenir bon. Malgré ce système hétérocentré, malgré ce système cisnormé. Il ne savait simplement pas comment s'y prendre pour pouvoir se sortir de sa constante solitude, de la honte qu'il ressentait, et de cette colère qui semblait ne pas vouloir le quitter. Car ce qui l'animait avant tout n'était pas de la tristesse, il s'agissait bel et bien de colère. Contre le Monde, contre lui-même.
TW : TRANSPHOBIE
2001 :
Des mèches de cheveux reposaient sur le sol de la salle de bain familiale. Un lourd soupir secoué par tremblements et sanglots se fit entendre tandis qu'il posait la paire de ciseaux qu'il venait d'utiliser sur le meuble qui lui faisait face. Il l'avait fait. Plus aucun retour en arrière n'était possible désormais. Et pourtant, sortir de la pièce dans laquelle il s'était enfermé lui semblait être l'épreuve la plus difficile qu'il lui était donnée à réaliser. Finalement, après un temps de réflexion, il déverrouilla la porte, et l'ouvrit sur sa mère qui passait par là au même moment. De toute évidence, elle l'aperçu puisqu'elle laissa son verre d'eau tomber puis se briser au sol. "Mais qu'est ce que tu as fait à tes cheveux ? On... On dirait un garçon !" s'était-elle écriée, horrifiée. Malgré lui, Adam esquissa un léger sourire, c'était donc réussit. Le père de famille ne tarda plus à arriver sur les lieux et l'intensité de la colère qui l'entourait augmentait davantage à chaque secondes qui s'écoulaient. " Je suis un garçon" articula-t-il finalement tandis qu'il détourna le regard. En n'entendant rien de plus qu'un silence, il releva enfin les yeux, et pu constater le choc que sa simple phrase provoqua chez ses géniteurs. Il continua alors : " Je suis un garçon. Né dans un corps de fille. Mais je n'ai rien d'une fille. Sauf cette apparence, qui n'est pas la bonne. La totalité de mon corps me dérange et me fait honte. Je ne savais pas ce que c'était, je ne savais pas qui j'étais. A présent je sais. Je sais que je ne veux pas rester dans ce corps. Je suis un homme." une nouvelle fois, un silence s'installa, puis des larmes se manifestèrent sur le visage de sa mère. Etait-ce de la tristesse ? Il l'ignorait, tout ce qu'il pouvait affirmer, c'était bien la présence du dégoût, qu'il s'agisse de sa mère comme de son père. Puis un rire, qui inquiéta Adam plus qu'il ne le rassura, se fit entendre de la part de son géniteur. Mais ce que révélait son visage pétrifia Adam de peur. Commencèrent ainsi une série d'injures et d'hurlements, notamment de la part du père de famille qui s'approcha et attrapa le menton de son enfant avec violence, le forçant à le regarder. Adam pu percevoir un mélange de haine et de répulsion dans le regard de l'homme. Après les minutes les plus longues de sa vie, Adam trouva finalement refuge dans sa chambre. Chambre où il retrouva sa petite soeur dont la présence l'aida à apaiser l'attaque de panique qui menaçait d'éclater. Bientôt, il serait dans l'obligation de lui faire ses adieux. Bientôt, il quitterait cet enfer... Pour se retrouver dans un quotidien où régnait la solitude.
Le passé est scindé en deux ; une enfance assez heureuse, une prise de conscience destructrice qui déclencha tout ce calvaire, calvaire qui demeure aujourd'hui.
Il était fatigué. Simplement épuisé par tout ce qui la vie avait pu lui offrir. A tel point qu'il détestait véritablement l'idée de l'existence d'un destin. Oh Adam n'avait définitivement pas la foi. On lui avait pourtant inculqué par le passé, seulement, plus le temps passait, et plus Adam semblait développer une forme de haine à l'encontre de toutes ces pseudo valeurs qu'on avait tenté de lui faire assimiler. Il ne voulait pas manquer de respect aux personnes croyantes et qui pratiquaient leur religion, leur foi, toutefois, en ce qui le concernait lui, Adam était certain qu'il n'était plus capable de croire en quoi que ce soit. Cela n'était pas envisageable pour lui. Pas après tout ce qu'il avait pu subir. Alors, Adam se contentait d'un peu d'espoir, mais il ne voulait pas non plus seulement compter sur un peu d'espoir afin de voir sa vie comme étant moins pénible à vivre, à supporter. Non, Adam estimait qu'il avait besoin de davantage. De l'aide probablement, mais provenant d'où ? Provenant de qui ?
Adam débuta dans la peinture dans une première optique ; en effet, il opta tout d'abord pour le réalisme et la complexité de reproduire trait pour trait la réalité. Il se contentait tout d'abord de reproductions avant de finalement, laisser son point de vue évoluer. C'est ainsi qu'il se dirigea peu à peu vers l'impressionnisme qu'il trouvait finalement, plus vivant. Néanmoins, ses préférences vacillaient toujours entre la perfection de chaque trait provenant du réalisme et de la vivacité de l'impressionnisme. Il trouvait souvent que ce mouvement artistique amenait à davantage de couleurs, des traits finalement plus libres et imparfaits qui apportaient eux, un sentiment d'humanité plus présent. Le choix des textures y était, lui aussi plus libre, plus ou moins particulier et propre à chacun. La peinture demeure une activité qu'Adam affectionne particulièrement et qu'il utilise notamment pour exprimer quelques sentiments, quelques pensées qu'il n'ose pas toujours partager ou dont il se sent prisonnier.
