Timaël avait toujours été un petit garçon à l'imagination débordante. Il avait toujours impressionné autrui de par son grand sens de la créativité, ses mères les premières. Avec celles-ci, Timaël était et demeure l'enfant roi. Fils unique, il a en permanence eu l'attention de ses mères sur lui et ces dernières cédaient à chacune de ses envies, à chacun de ses caprices. Elles n'avaient jamais pensé à mal faire, elles n'avaient que pensé à assouvrir ses désirs, parce qu'elles le voulaient. Elles adoraient voir son visage s'illuminer à chacun de ses désirs comblés. Elles lui apportaient tant d'amour et ne supportaient pas de constater le chagrin sur le visage de leur fils. Ainsi, sans même s'en rendre compte, Rose et Elise avaient fait de leur fils un enfant "pourri gâté", et, par la suite, au fil des années, d'un homme qui se sentait en mesure d'obtenir tout ce qu'il voulait, persuadé de toute manière d'être meilleur que les autres. Timaël n'était pas une personne malveillante, seulement, il était hautain, prétentieux et extrêmement compétitif. Ce qui donnait une image de lui particulièrement péjorative chez autrui. Néanmoins, Timaël était indifférent aux jugements de toutes ces personnes. Elles ne l'intéressaient pas, et leur avis, encore moins. En outre, il avait bien trop confiance en lui pour être sensible à leurs critiques. Et, par dessus tout, Timaël n'aimait pas vraiment autrui. Il était misanthrope et n'éprouvait que peu d'intérêt pour les êtres humains qu'il était en mesure de croiser chaque jour. Que ce soit dans un parc, un café, un bar, ou même à l'université, Timaël préférait de loin la solitude et n'aimait pas être dérangé. Il avait pourtant déjà essayé de prendre sur lui, de s'essayer à la compagnie d'autrui, mais il s'en était rapidement lassé. Il s'ennuyait vite des autres. Il les trouvait tous si ordinaires. Indignes de son intérêt et de sa curiosité. A l'université, cela faisait quatre ans que Timaël étudait l'art de la scène. Il avait toujours aimé le théâtre, et ce qui l'intéressait le plus, c'était bien ce qui relevait de la mise en scène, les costumes également. Bien entendu, le scénario avait lui aussi une grande importance, et le tout devait être sublimé par la performance d'un acteur. Timaël était, en outre, sensible à l'atmosphère, à la luminosité, ainsi qu'aux couleurs choisies. Tout devait être parfait. Il était exigeant, autant avec lui-même qu'avec les autres et ne supportait pas le moindre défaut. C'était par ailleurs ce qui avait constitué tout d'abord un obstacle lorsqu'il s'était mis à la couture. Ce qu'il supportait encore moins que les défauts, c'était bien l'échec et l'insatisfaction. Alors il avait lâché l'affaire et s'était mis à la photographie à la place. Il avait rapidement excélé dans ce domaine, si bien qu'il commença à désirer plus. Alors il décida de reprendre la couture afin de créer non seulement des costumes pour ses photographies, mais aussi, et surtout des vêtements à son goût. Ce fut ainsi que Timaël se mit à porter des vêtements bien plus extravagants, il avait troqué le noir pour les couleurs et les motifs en tout genre, et les simples jeans pour de plus beaux pantalons, ainsi que pour des jupes et des robes. Les moqueries et les agressions, il en fut victime, plusieurs fois, cependant, ce n'était pas suffisant pour qu'il se décide de revenir en arrière. Il se trouvait si beau et attrayant depuis qu'il portait ce qu'il aimait. Ses mères l'avaient encouragé et soutenu, et elles avaient continué à le faire au fur et à mesure du temps qui passait, de la même manière que lorsqu'il se prit de passion pour le maquillage. Elles étaient fières de lui, et considéraient que leur fils était déjà un artiste. Après tout, il était doué, personne ne pouvait nier ce point, encore moins le contredire sans faire preuve de mauvaise foi.
Timaël tomba amoureux pour la première fois d'un garçon, et jamais il ne s'était senti honteux de cette attirance. Après tout, qu'y avait-il d'honteux dans le simple fait d'aimer ? Autrui avait dès lors trouvé l'occasion de parler. Timaël n'était alors qu'âgé de seize ans, et nombreuses furent les personnes qui condamnèrent les mères du garçon. Deux femmes pour élever un garçon, évidemment qu'elles l'avaient fait devenir homosexuel ! C'était bien pour cette raison qu'il ne fallait pas accorder le droit aux couples du même sexe d'avoir des enfants ! Rose et Elise n'avaient, évidemment, rien fait de plus qu'élever cet enfant en lui donnant tout l'amour qu'il méritait. Il n'avait jamais manqué de rien, avait un sens du respect irréprochable, et, bien qu'égoïste, il ne s'était jamais montré volontairement blessant ou méchant gratuitement envers qui que ce soit. Timaël était un garçon intelligent, il n'aimait pas que l'on puisse oser dire du mal de ses mères, cependant, il les écouta lorsque, calmement, elles lui confièrent que la meilleure réponse à donner aux idiots était le silence et l'indifférence. Elles vivaient en paix, l'amour était débordant dans ce foyer, et elles avaient un fils dont elles étaient fières. Rien ne pouvait perturber leur bonheur.
Rose voyait bien qu'il les regardait. Il ne les regardait pas seulement par ennui ou par impatience. Non, il les regardait avec beaucoup d'attention. Il était si concentré sur chacun de leurs gestes, qu'il ne remarqua même pas que sa mère le regardait. "Tu veux essayer ?" lui souffla-t-elle tandis qu'elle esquissait un doux sourire en voyant son fils sursauter à l'entente de sa voix. Timidement, Timaël hocha la tête et, sans se prier, vint aux côtés de ses deux mamans. Maladroitement, il attrapa un pinceau destiné au blush pour en mettre sur ses joues. Il en avait trop mis sur l'une, alors Elise lui montra où il devait s'arrêter. Lorsqu'il s'intéressa aux fards à paupières, les deux femmes n'avaient pas pu s'empêcher de se moquer gentiment de la façon avec laquelle il avait commencé à appliquer du rose sur ses paupières, et, à deux, elles lui montrèrent comment s'y prendre. Rose remarqua que son fils avait tout de même enregistré certains gestes, notamment en ce qui concernait le mascara qu'il avait bien appliqué malgré la peur de s'en mettre dans les yeux ou alors sur ses paupières roses. Lors du résultat final, le visage du petit garçon s'illumina, et, lorsqu'il vit arriver Elise avec son appareil photo, ses yeux se mirent à pétiller. Il était heureux, et, lorsqu'il apercevait son reflet, il s'écria qu'il se trouvait "si beau !". Les deux épouses le rejoingnaient toujours sur ce point. Elles aussi trouvaient leur garçon beau. Elles le trouvaient formidable, et lui les admirait.
Timaël est une personne sérieuse, autant dans ses études que dans son art, jusqu'à ses convictions de vie. Il y avait peu de choses envers lesquelles il ne se montrait pas intransigeant, et ce qu'il haïssait par dessus tout, c'était bien la nonchalance, l'hypocrisie et l'intolérance. Il haïssait même ce dernier terme. Il détestait les personnes qui se vantaient d'être tolérantes, comme si elles faisaient davantage que le strict minimum... Le respect n'était pas une qualité, c'était ce qu'il y avait de plus banal. S'il se sentait supérieur à autrui, il n'allait pas les traiter pour autant avec irrespect. Auquel cas, il se retrouverait à leur niveau, voire même, inférieur à eux. Timaël n'aimait pas non plus les individus sans énergie, il les trouvait lents voire, pour certains, fainéants. Pour autant, il faisait une grande différence avec les individus qui se montraient calmes et posées. D'un côté, il lui semblait faire tout simplement face à des personnes réfléchies, d'un autre... Il estimait les individus comme étant en grand manque de motivation.